LES BUNKERS

Mieux négocier : les trucs de 4 entrepreneurs qui n’ont pas froid aux yeux

​La négociation est surement la technique la plus payante qu'il te sera donné d'apprendre. C'est simple, mieux négocier = dépenser moins OU être payé plus... donc plus d'argent dans tes poches.

Si tu es employé, tu dois négocier ta part du travail, ton salaire, ta commission, et ton entourage aimerait sans doute que tu négocies plus de vacances et moins d'heures de travail, que tu réclames ce qui t'es dû (comme une promotion), etc.

Si tu es du côté de la direction, tu t'attends à négocier dans tous les aspects de ton travail : à l'embauche d'employés, lors d'achats auprès des fournisseurs ou de ventes à vos clients, vous aurez peut-être à négocier des parts de marché et même des parts de votre propre entreprise. 

C'est simple... TOUT se négocie.

Vu qu'il y a toujours plusieurs côtés à considérer dans une négociation, j'ai décidé de rencontrer des entrepreneurs de différents milieux, avec des expériences très diversifiées.

Nous allons d'abord faire un parallèle entre les deux "côtés" d'une négociation. Pierre-Marc Tremblay, président du groupe Convivia (Pacini), nous exposera le côté de l'acheteur (client) tandis que Benoit Bourguignon, président de Cogniox, nous parlera du point de vue du vendeur (fournisseur).

Ensuite, nous allons comparer deux entrepreneurs et CEO de compagnies très différentes. Christian Paquette, repreneur de l'entreprise familiale bien établie Cité Caravane, et Jonathan Scarfo, le fondateur de la start-up Scarf Maps, négocient absolument tout, pour des raisons différentes. 

Les trucs de ces entrepreneurs ambitieux de chez nous vont vous aider à vous améliorer en tant que négociateur, mais aussi en tant que personne.

"Leur éthique de travail est aussi impressionnante que leurs skills, et chacune de ces rencontres a été pour moi un honneur. Je les remercie d'ailleurs encore une fois :) ! "

Pierre-Marc Tremblay,
Convivia (Pacini)

Pierre-Marc Tremblay est président propriétaire et chef de l'évolution de Convivia, qui détient entre autre la franchise Pacini. Il est reconnu pour ses innovations audacieuses (comme la création d'une épicerie fine dans les restos) qui ont valu à la franchise de nombreux prix et distinctions.

​Bien qu'il soit à la tête de la chaîne de restaurants Pacini, M. Tremblay a trouvé du temps pour me rencontrer. Ça en dit long sur le type de personnalité qu'il a.

En quinze minutes, il m'a détaillé sa façon de négocier et on avait fini. Ce gars est groundé, comme dirait ma mère. Il est présent. Un journaliste qui l'a rencontré explique parfaitement ma pensée : 

J’ai rencontré le président et propriétaire de Convivia à deux reprises et toujours la même disponibilité et capacité d’accorder toute son attention à son interlocuteur du moment.

- William St-Hilaire

Pour cet homme pas ordinaire, l’art de la négociation se résume en trois points principaux.

Tout commence par être conscient de qui tu es, et de la façon dont les autres te perçoivent. Ensuite, les deux parties arrivent au point de non-retour où la négociation est gagnée. Finalement, quand tous les arguments sont épuisés, il ne reste que la RELATION entre deux personnes.

#1 : être conscient de qui tu es

Ton caractère, ta personnalité, ta façon d’être vont influer sur la façon dont tu vas négocier et tu te dois d’en être conscient. Utilise tes traits de caractère à ton avantage. Pour réussir à faire ça, il est donc primordial de se connaître par cœur, et dieu sait que ce n’est pas évident.

M. Tremblay conseille pour ce faire la lecture, la thérapie, la méditation et tous les tests de personnalité qui existent comme le test DISC (faites le gratuitement ici).

#2 : ​Le point de non-retour

Il s'agit du moment où l’« une des deux parties veut plus que l’autre ». Lorsque quelqu'un gagne la négociation, c'est souvent parce que son interlocuteur avait plus besoin que lui de conclure l'entente.

Pierre-Marc m'a avoué qu'il lui arrivait parfois d’attendre de longues périodes et repousser la négociation pour avoir l’avantage. Il se refuse à signer une entente dont il n'a pas réellement besoin (vu son pouvoir d'achat, c'est normal).

#3 : La relation​

En bout de ligne, lorsqu'on oublie toute la théorie et les techniques de négociation, seule la relation entre deux individus est réellement déterminante de l'entente qui sera signée. 

Pierre-Marc croit qu'il ne faut jamais sous-estimer le facteur humain. Il conseille de tout faire pour analyser et comprendre la personnalité de l'autre. Lorsque c'est possible, on peut même faire des recherches à l'avance sur la personne qu'on va rencontrer.

"Dès les premières secondes, tu peux déjà trouver des indices du type de personnalité de la personne à qui tu parles : son attitude, le ton de sa voix, le contenu de son bureau (la décoration, la disposition des meubles), la façon dont elle écrit, son regard..." Pierre-Marc Tremblay, président de Convivia

Ensuite, te suffit de t'adapter rapidement à la personne que tu as devant toi. Le président de Convivia a constaté que plus tu es haut placé, plus tu es celui qui s’adapte aux autres, et non le contraire. Il m'a dit qu'il s'était adapté à moi (timide) en tâchant de ne pas être trop intimidant!

Pour Pierre-Marc Tremblay, ​le facteur humain l'emporte sur toutes les méthodes existantes. « L'amour de la table, et des gens autour », ce n'est pas seulement le slogan de Pacini, c'est la représentation des valeurs qui font tout le succès de la franchise et de son propriétaire!

Benoit Bourguignon,
Cogniox

Benoit Bourguignon devient président de la firme de consultation en ventes et en management Cogniox en 2011. Il enseigne également les ventes et le marketing à l'école des sciences de la gestion (ESG) de l'UQAM.

Ayant déjà géré des équipes de ventes entre autres chez Rock-Tenn (devenue WestRock) auprès de clients comme l'Oréal et le géant Procter & Gamble, il compte 25 années d'expérience dans la vente b2b (business to business). Il nous expose donc le côté du vendeur dans une négociation.

Il n'y a négociation que si les deux parties pensent qu’elles ont un intérêt à s’entendre. Si le déséquilibre est trop grand, il n’y a pas de négociation, et le plus fort écrase le plus faible.

Benoit Bourguignon, PDG de Cogniox

Le propriétaire et président de Cogniox est très cartésien et ordonné comparé à M. Tremblay de Convivia. C'est normal, c'est un professeur (un des préférés des étudiants de l'ESG)! 

Il divise le processus de négociation en 3 étapes clé :

Étape 1 : la préparation

D'abord, sache que la personne qui va te rencontrer s’est préparée à « te saigner jusqu’à la dernière cenne ». Pour éviter cela, il est essentiel d'être toi aussi bien préparé.

Pour commencer, pose-toi ces deux questions essentielles : 

  • Quelles sont les choses que tu peux donner sans trop de peine (peu coûteuses pour toi) et qui feront plaisir au client? Ce seront les cartes dans ton jeu pour toute la durée de la négociation.
  • Quelles sont les choses qu’il peut te donner sans trop de peine et qui te font plaisir? C'est ce que tu tenteras d'obtenir. 

"Les cartes dans ton jeu, en #négo, sont tout ce que tu px donner à un client sans avoir trop mal." - @Cogniox

Tu devras aussi te préparer à contrer les objections à ton offre (les raisons que se donnent les gens pour ne pas acheter). Bien connaître son offre, c'est aussi reconnaître ses faiblesses (trop cher, long délai de livraison, etc.). Tu dois pouvoir répliquer aux objections soulevées par chacune de ces faiblesses.

Étape 2 : Déroulement 

C'est à ce moment que tu présentes ton offre. C'est aussi là que l'autre partie te demande de faire des concessions. C'est pour cela que l'étape précédente est essentielle : tu sais quelles concessions ton côté est prêt à faire.

L'ampleur des concessions que tu devras faire dépend de plusieurs facteurs. Entre autres, ça dépend de ta capacité à créer de la valeur pour backer le prix de ton produit (cet article (angl.) t'explique comment faire), et ta capacité à le défendre devant l'acheteur qui tente de le déprécier. 

​Elle dépend également des alternatives dont tu disposes (autres clients/fournisseurs). Ça dépend évidement de ton pouvoir d'achat : plus ton pouvoir d'achat est élevé, moins tu auras à faire de concessions.  

M. Bourguignon a plusieurs conseils pour répondre à une demande de concession : 

  • N'accorde jamais une concession gratuitement, même si c’en est une que tu étais prêt à faire. Demande toujours quelque chose en retour.
  • Ne céde pas trop rapidement, fait sentir au client que c’est difficile de te faire faire des concessions et que tu lui demandes quelque chose à chaque fois.
  • Accorde de moins en moins de concessions plus la négociation progresse, et réduit l'importance de celles que tu accordes. Tu fais ainsi savoir à l'acheteur qu'il est allé chercher tout ce qu'il pouvait, et qu'il est l'heure de s'entendre.
  • RÉSISTE À LA BAISSE DE PRIX le plus longtemps possible. Ce devrait être la dernière chose que tu accordes.

Étape 3 : la conclusion 

Le propriétaire de Cogniox considère que toute négociation se conclut par une QUESTION FINALE posée par le vendeur à l'acheteur. Elle se pose lorsqu'on s'apprête à faire notre dernière concession, et peut ressembler à :

Si on s’entend là-dessus, est-ce que vous allez me donner le bon de commande maintenant? ou encore Si on réussissait à s’entendre sur le prix, êtes-vous prêts à signer aujourd'hui?

On fait d'une pierre deux coups, en utilisant une concession pour signer une entente. 

Benoit Bourguignon constate que les jeunes entrepreneurs ont tendance à manquer de confiance et à être timides en négociation. 

Pourtant, c'est lorsque tu crois vraiment en ton produit, que tu as confiance et que tu ne te laisses pas intimider que tu peux affirmer que « c’est ce prix que ça vaut ». C’est ça que tu vaux. Tout est une question d'attitude!

Christian Paquette,
Cité Caravane

Christian Paquette est un jeune repreneur extrêmement ambitieux. Il a repris les reines de l'entreprise familiale Cité Caravane, un géant québécois du véhicule motorisé. 

​Christian Paquette négocie tous les jours. Pour lui, tout se négocie. Il doit négocier avec

  • ses fournisseurs en raison du territoire, des prix et la qualité des produits.
  • ses employés en lien avec leurs conditions de travail, leur salaire, leur horaire.
  • ses clients, les acheteurs de véhicules motorisés, à propos des prix, des conditions de l'achat et de la prise de possession et au niveau du service après-vente. 

​Christian s'adapte toujours à la personnalité de son interlocuteur. Il veut lui montrer qu'il reconnaît la valeur de son travail, mais qu'il connaît aussi la sienne, et que les deux parties doivent être gagnantes. 

Vu son horaire extrêmement chargé (il fait tout), il se prépare seulement dans les cas où l'enjeu est très important. Par exemple, lorsqu'il doit négocier avec un fournisseur la commande de 75% de l'inventaire pour l'année à venir, il se prépare toujours des statistiques et des comparables. ​

​Il se souvient d'une fois où son fournisseur a voulu empiéter sur son territoire en ouvrant une concession juste à côté de lui : 

"Je lui ai lancé un ultimatum : ou bien c'était moi, ou bien c'était lui. Il n'y avait pas de place pour nous deux. Il a finit par plier, et me laisser le Québec en entier. C'était assez risqué, car je lui achetais la grande majorité de mon inventaire!"

En tout cas je te garantis que je n'aurais pas aimé négocier avec lui. Il fait peur tellement il dégage de confiance. Il ne m'en a pas parlé, mais je sais que la plupart de ses interlocuteurs doivent être intimidés par son ambition extraordinaire et son professionnalisme pour son jeune âge. 

Il conseille à tous les jeunes entrepreneurs de se trouver un mentor et de s'en inspirer. Pour lui, c'est son père (how cute).

Il recommande aussi aux jeunes ambitieux comme toi de s'entourer de gens passionnés, qui ont de la drive, et qui veulent progresser. C'est la meilleure façon de sans cesse s'améliorer.

-GROUPIE ALERT- Il est célibataire. Just saying.

Jonathan scarfo,
Scarf Maps

Jonathan Scarfo est un jeune visionnaire qui n'est jamais satisfait. C'est une machine du développement des affaires, il est d'ailleurs un des principaux responsables du succès de la start-up Freebees dans la région de la Montérégie.

À 33 ans, il fonde sa première entreprise, Scarf Maps, un projet qui occupe toutes ses pensées depuis deux ans. Il estime que d'ici 8 ans, sa compagnie vaudra 1 milliard de dollars, et il travaille en conséquence (#nolife).

"Si les gens ne te traitent pas de fou lorsque tu leur parle de ton prochain projet... ton projet n'est pas assez ambitieux. "

Ce gars n'a pas froid aux yeux. Partout où il se lance en affaires, il doit partir de zéro et développer un véritable empire.

C'est aussi un des meilleurs vendeurs qu'il m'ait été donné de rencontrer. Mais comment fait-il ?

Comme les trois autres, Jonathan s'adapte à la personnalité de son interlocuteur. Mais il a sa façon de faire bien à lui, caractéristique d'un gars en développement des affaires. Voici les trois choses qu'il m'a dites qui m'ont marquée :

La recherche... next level

Avant de rencontrer quelqu'un, il scrute à la loupe son entreprise, pour savoir où son interlocuteur se situe dans la chaîne alimentaire (son pouvoir de décision). Il trouve la personne sur les médias sociaux, souvent en commençant par LinkedIn puis en trouvant les autres profils un par un.

*Mon truc : la recherche par image de Google. Souvent, c'est la façon de trouver le profil personnel Facebook (celui que tu ne veux pas que les gens voient, avec tes vieilles photos de brosse).

C'est en faisant cet exercice de préparation rigoureux que Jonathan arrive à parler aux gens dans leur langage, savoir ce qui les interpelle, et quel type d'argumentaire les convainc. Parfois il prend même leur accent. Un vrai vendeur !

LE SUIVI

Il fait aussi un suivi rigoureux de toutes ses conversations avec ses clients potentiels et actuels. Avec le logiciel de gestion de clients (CRM)​ Zoho, il conserve les dates et les heures de ses conversations, leur durée, et il inscrit un résumé de ce qui s'est dit.

Si le fils de 8 ans d'un client avait un tournoi de hockey la semaine dernière, Jonathan s'en souvient (thanks to CRM) et peut le lui rappeler. Ça fait plaisir au client à tout coup :)!

La notoriété

Jonathan a compris avec l'expérience que les gens doivent avoir confiance en toi avant de signer un contrat. Comme la confiance se bâtit avec le temps, il est difficile pour une start-up d'obtenir des premiers clients, to build from the ground up. Il faut aimer les défis... mais il y a des raccourcis! 

Établir sa crédibilité

Le pro du développement des affaires a constaté que les clients sont beaucoup plus enclins à signer un contrat avec une entreprise si celle-ci a comme clients des grosses entreprises connues.

Il est donc très avantageux pour une start-up de faire des très bons prix aux grandes bannières de leur secteur (Wal-Mart, Jean Coutu). Jonathan est convaincu qu'il faut parfois souvent aller jusqu'à perdre de l'argent pour obtenir ces clients clé et ainsi gagner en notoriété et en crédibilité!

Cultiver son image

On a appris avec M. Tremblay de Pacini que ce n'est pas que les vendeurs qui se préparent avant une négociation. Les acheteurs et futurs clients vont faire des recherches sur ton entreprise avant de te rencontrer. Jonathan s'assure qu'ils trouvent.

Il a également compris l'importance d'une excellente stratégie en médias sociaux. Lorsqu'il appelle quelqu'un pour la première fois (la personne ne le connaît pas), il aime que cette personne ait déjà entendu parler de son entreprise. C'est pourquoi sa première associée, chez Scarf Maps, est une spécialiste des médias sociaux. ​

Jonathan aimerait te rappeler que personne ne t'oblige à faire comme tout le monde, et être satisfait avec un travail de 9 à 5, un salaire garanti, une entreprise avec un bon chiffre d'affaire... Même quand ton entreprise vaudra quelques millions, ne t'assoies pas là-dessus.

Ce n'est pas parce que personne n'a jamais fait quelque chose avant toi que tu devrais t'en contenter. Continue de pousser plus loin. Comme si quelqu'un travaillait 24 heures sur 24 pour te détrôner. La simple volonté ne suffit pas pour un entrepreneur. Put in the hours!

​Finalement, on arrête jamais d'apprendre à négocier

Voilà ce que j'ai appris sur la négociation au cours de mes entrevues avec ces entrepreneurs impressionnants (intimidants?). Bien qu'ils soient très différents, ils ont quelques points en commun lorsqu'ils négocient : 

  •  Ils négocient tout le temps, sur tous les sujets. Tout se négocie.
  • Lorsque l'enjeu est suffisament important, ils se préparent en faisant des recherches sur l'individu et l'entreprise
  • Ils s'adaptent à leur interlocuteur, et non le contraire
  • Ils cherchent à ce que les deux parties soient satisfaites de l'entente (lorsque c'est possible)

Puis, ils ont chacun leur façon de négocier, comme tu as la tienne. N'hésite pas à essayer différentes choses, à t'inspirer de ces quatre négociateurs d'expérience ou à te trouver un mentor et de lui demander conseil. Parce qu'en bout de ligne, bien négocier, c'est payant! 

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