LES BUNKERS

Comment devenir un leader persuasif?

Pour ĂȘtre capable d’accomplir quoi que ce soit, il faut prendre les choses en main, sortir de la routine, agir. Et non seulement ça, mais il faut Ă©galement convaincre les autres de nous suivre dans notre mission de rendre le monde (ou du moins, notre entreprise) un peu meilleur.

Ce n’est pas une mince affaire, les gens sont incroyablement tĂȘtus et rĂ©sistants au changement. Il faut donc (autant que possible) que ça vienne d’eux et qu’ils co-crĂ©ent le projet avec toi.

Peu importe ta position, seul, tu n’as aucun poids. MĂȘme le PDG d’une entreprise ne peut forcer sa compagnie Ă  prendre un virage qu’elle ne veut pas prendre.

Lorsque j’ai parlĂ© de la qualitĂ© d’une idĂ©e (dans la premiĂšre partie du livre), je t’ai dit que tu ferais mieux de prendre les idĂ©es des autres personnes plus Ă©levĂ©es dans la hiĂ©rarchie de ton entreprise si tu veux qu’elles finissent par voir le jour. C’est maintenant le temps d’apprendre comment trouver ces idĂ©es et impliquer la personne dans leur dĂ©veloppement.

Pour ce faire, je vais te proposer une stratĂ©gie qui s’inspire des deux modĂšles qui ont, chacun leur tour, rĂ©volutionnĂ© la façon de crĂ©er et de dĂ©velopper des entreprises rentables.La premiĂšre est la mĂ©thode SPIN, un framework de vente rĂ©alisĂ© par Neil Rackham, le fondateur de la multinationale Huthwaite, une des plus prestigieuses agences de coaching et d’entraĂźnement en vente, nĂ©gociation et communication. Cette mĂ©thode est issue de l’analyse de l’impact de 116 facteurs sur 35 000 transactions rĂ©coltĂ©es et dĂ©cortiquĂ©es sur plus de 10 ans. Elle a redĂ©fini la façon de vendre et de nĂ©gocier au sein des plus grosses entreprises Ă  travers le monde.

Ensuite, nous allons utiliser la mĂ©thode LEAN telle qu'adaptĂ©e par Eric Ries pour mettre sur pied et concrĂ©tiser le projet. Cette mĂ©thode a complĂštement transformĂ© Silicon Valley, la capitale mondiale de l’innovation, et est au coeur de l’ADN des entreprises comme Google, Tesla et Amazon.

Ensemble, ces deux stratĂ©gies nous offrent un chemin clair pour devenir un intrapreneur (quelqu’un qui dĂ©veloppe une entreprise au sein d’une entreprise) ou un entrepreneur, prendre le contrĂŽle de sa destinĂ©e et vivre la vie dont on a toujours rĂȘvĂ©.

La méthode SPIN

La mĂ©thode SPIN a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e pour aider les gens Ă  vendre leur produit ou service au sein d’un contexte corporatif (vente B2B). Je te recommande fortement d’aller lire l’ouvrage original qui est rempli d’exemples concrets et d’exercices Ă  complĂ©ter pour drastiquement amĂ©liorer tes talents de vendeur.
L’angle est Ă©galement trĂšs diffĂ©rent de ce que je vais te proposer puisque j’adapte la stratĂ©gie Ă  un autre contexte, soit la persuasion et le leadership au sein d’une entreprise.

SPIN est un acronyme pour dĂ©crire les quatre Ă©tapes du processus de vente: Situation, ProblĂšme, Implications et Need-Payoff (il s’agit d’une mĂ©thode anglophone, la derniĂšre lettre se traduit trĂšs mal). Chacune de ces Ă©tapes te demande de poser certaines questions Ă  la personne que tu souhaites persuader. Ce qui est important n’est pas le type (question ouverte ou fermĂ©e), mais bien l’objectif derriĂšre ces questions.

La Situation

La situation reprĂ©sente le point de dĂ©part. Tu n’as aucune idĂ©e de ce que tu pourrais bien faire, alors tu dois faire tes recherches pour connaĂźtre l’état rĂ©el des choses. Quel est l’objectif de l’entreprise et comment rĂ©ussit-elle Ă  l’accomplir? Comment fait-elle son argent? Quels outils, processus ou logiciels sont utilisĂ©s dans la crĂ©ation de ce bien/service?

Est-ce que la compagnie possÚde un organigramme? Qui est responsable de prendre les décisions? Comment sont structurés les départements? Existe-t-il un guide qui détaille les procédures de travail des employés?

Ton objectif est, dans un premier temps, non seulement de comprendre le fonctionnement global de l’entreprise, mais Ă©galement de bien connaĂźtre les rouages qui lui permettent de fonctionner.

Le ProblĂšme

AprĂšs avoir Ă©tĂ© attentif et t’ĂȘtre renseignĂ© correctement sur l’entreprise, il faut trouver le temps de t’asseoir avec un gestionnaire, lui poser les bonnes questions et Ă©couter attentivement...

Une business a pour objectif de gĂ©nĂ©rer des profits Ă  travers la satisfaction d’un dĂ©sir par un produit ou service. Entre la crĂ©ation de ce produit/service et sa livraison se cache une multitude d’étapes qui ralentissent le processus et augmentent les coĂ»ts.

Voici quelques exemples de questions à poser pour trouver les différentes frustrations et inefficacités:

  • Est-ce que tu es satisfait de la qualitĂ© du travail gĂ©nĂ©rĂ© par notre dĂ©partement?
  • Quels sont les dĂ©savantages causĂ©s par la mĂ©thode/les outils qu’on utilise?
  • Disons que j’ai une baguette magique et que je peux rĂ©gler UN problĂšme en lien avec X, ce serait quoi?
  • Est-ce que c’est difficile de faire X, Y, Z?

Ce n’est pas le chialage qui manque dans une compagnie. Que ce soit le dĂ©partement du service Ă  la clientĂšle, des ventes, des technologies ou du marketing, tout le monde possĂšde son lot d’insatisfactions.

Tu dois faire attention pour ne pas te prĂ©senter en disant “la compagnie est brisĂ©e”, on n’est pas lĂ  pour parler en mal de personne. L’objectif est plutĂŽt de faire l’inventaire de TOUS les problĂšmes qu’on pourrait potentiellement rĂ©gler pour une entreprise.

Et ce n’est pas parce que Nicole des ressources humaines a chialĂ© sur quelque chose qu’il s’agit vĂ©ritablement d’un problĂšme. Chaque point soulevĂ© Ă  cette Ă©tape est une hypothĂšse qu’on doit par la suite valider.

C’est un peu comme lorsqu’on gĂšre un site web. Il va TOUJOURS y avoir des bogues. DĂšs que le site ou l’application est le moindrement complexe, c’est quasi impossible de tous les rĂ©gler. C’est pourquoi, une fois qu’on a trouvĂ© un problĂšme, on doit se poser trois questions:

  • Combien ça coĂ»te pour le rĂ©gler?
  • Quel est le coĂ»t associĂ© Ă  l’ignorer?
  • Quel est le bĂ©nĂ©fice de le corriger?

Ce n’est que si le coĂ»t de la premiĂšre question est infĂ©rieur Ă  la somme des deux derniĂšres qu’on doit considĂ©rer dĂ©ployer des ressources pour le rĂ©gler. Et lorsqu’on travaille au sein d’une Ă©quipe rĂ©duite, ce qui est presque toujours le cas, alors il y a Ă©galement le coĂ»t d’opportunitĂ© Ă  prendre en compte.

Chaque heure que tu mets Ă  rĂ©gler un problĂšme mineur est une heure que tu n’investis pas Ă  rĂ©gler un problĂšme majeur. MĂȘme si ton temps est rentable, il pourrait l’ĂȘtre encore plus.

Il faut donc inventorier les problĂšmes, les classer du plus important au plus insignifiant et prioriser. Mais pour faire ça, encore faut-il qu’on ait les outils pour quantifier et mesurer les problĂšmes en question! Plus on va vite, plus conduire les yeux fermĂ©s devient un problĂšme.

C’est pourquoi tant d’entrepreneurs n’ont jamais portĂ© attention Ă  l’intelligence d’affaires. Ils grossissent tranquillement leur entreprise les yeux fermĂ©s pour ensuite se rĂ©veiller, sept ans plus tard, avec un Ă©norme navire en haute mer et n’ont aucune idĂ©e d’oĂč ils sont.

Le manque de donnĂ©es est souvent un problĂšme Ă  part entiĂšre auquel tu peux t’attarder. Quelles sont les mĂ©triques de performance clĂ© (KPI, pour Key Performance Indicator dans le lingo de la business!) de l’entreprise et comment peut-on calculer l’influence d’un facteur sur ces mĂ©triques?

J’éviterais de m’avancer sur un terrain oĂč c’est difficile d’avoir des statistiques. S’il n’y a aucune façon d’évaluer objectivement l’efficacitĂ© d’un projet, tes efforts sont exposĂ©s au jugement subjectif des preneurs de dĂ©cisions. Ça veut dire que si ton supĂ©rieur immĂ©diat n’aime pas ce que tu fais (pour n’importe quelle raison niaiseuse), il peut tirer la plug sur ton projet.

Avoir des rĂ©sultats mesurables te permet de garder le cap (et ton emploi) si jamais (quand) quelqu’un dĂ©cide d’attaquer ton projet.

Non seulement ça, mais si tu ne peux pas le mesurer, alors tu ne peux pas en parler! Disons que tu veuilles parler de tes accomplissements sur ton profil LinkedIn, laquelle de ces deux phrases est la plus convaincante?

“J’ai entrepris et encadrĂ© la mise en place d’un systĂšme de gestion d’inventaire pour la compagnie X.”

OU

“J’ai entrepris et encadrĂ© la mise en place d’un systĂšme de gestion d’inventaire qui a aidĂ© la compagnie X Ă  rĂ©duire ses dĂ©penses de 150 000 $ par an sans impact nĂ©gatif sur la satisfaction client.”

Personne n’engage un titre. DĂ©cris-toi plutĂŽt en fonction de ta capacitĂ© Ă  rĂ©duire les dĂ©penses et augmenter les revenus.

Bref, tout ça pour dire qu’un bon problùme est donc un problùme que tu peux quantifier.

J’insiste sur ce point parce que ce conseil m’a sauvĂ© les fesses Ă  plusieurs reprises lors de mon passage chez Voyages Ă  Rabais.

Ils m’avaient engagĂ© principalement pour que je m’occupe du SEM et des mĂ©dias sociaux, donc tout ce qui a trait Ă  Facebook et Google.

En arrivant dans l’entreprise, je me suis rendu compte qu’ils envoyaient leur infolettre Ă  l’aide d’un systĂšme maison qui n’offrait aucune possibilitĂ© de connaĂźtre le retour sur investissement de leur stratĂ©gie.

En utilisant la formule SPIN, j’ai convaincu le VP de passer Ă  Mailchimp (une plateforme plus complĂšte) pour avoir accĂšs au pourcentage de personnes qui ouvrent ou cliquent dans les infolettres que l’entreprise envoyait. Ça n’aura pas Ă©tĂ© simple puisque cette plateforme leur coĂ»te plus de 10 000 $ par annĂ©e. Le prix Ă©levĂ© provient de la quantitĂ© phĂ©nomĂ©nale d’abonnĂ©s Ă  leur infolettre (plus de 500 000).
Une fois sur Mailchimp, j’ai pu faire des tests A/B, c’est-Ă -dire qu’on change une variable et on regarde son influence sur le taux de clic, tout ça dans l’espoir d’implĂ©menter une stratĂ©gie de marketing par courriel que je croyais ĂȘtre plus efficace.

Au lieu d’envoyer une grosse image de plage avec un prix, je voulais envoyer des courriels qui enseignent des choses pratiques aux gens tout en Ă©tant amusants Ă  lire. Je croyais aussi qu’un ton personnel Ă©tait de mise et que les infolettres devaient ĂȘtre signĂ©es. Je voulais aussi rĂ©duire le nombre d’images dans les infolettres puisque presque toutes les Ă©tudes sur le sujet dĂ©montrent qu’elles nuisent Ă  leur efficacitĂ©.
C’était Ă  l’époque oĂč les mĂ©dias sociaux venaient tout juste de commencer Ă  prendre de l’ampleur. Plus personne ne croyait au email marketing. Les courriels, disait mon VP, ça marchait en 2004.

J’ai eu un “OK” pour tester la stratĂ©gie sur un Ă©chantillon (50 000 personnes). La prĂ©sidente (Sylvie Myres) n’avait pas approuvĂ© directement et on savait tous qu’elle ne serait pas chaude Ă  l’idĂ©e. Le mot d’ordre Ă  l’époque Ă©tait d’ĂȘtre le plus professionnel et “corporate” possible. “Avec un nom comme Voyages Ă  Rabais, on ne peut pas se permettre de faire des blagues dans notre marketing.”

Les résultats?

La nouvelle infolettre a battu l’ancienne Ă  plate couture avec un taux de clic trois fois plus Ă©levĂ©. Non seulement ça, mais avant, c’était difficile de savoir si l’infolettre avait un impact rĂ©el sur les ventes. AussitĂŽt le courriel envoyĂ©, le tĂ©lĂ©phone s’est mis Ă  sonner. Les conseillĂšres n’y comprenaient rien
 Les gens demandaient Ă  parler Ă  Olivier Lambert!

Un an plus tard, l’entreprise avait fait un virage Ă  180 degrĂ©s sur sa stratĂ©gie de marketing par courriel, ce qui aura Ă©tĂ© l’une de ses manoeuvres les plus profitables.

Le vice-prĂ©sident, David GrĂ©goire, a parlĂ© des stratĂ©gies qu’on a mises en place Ă  d’autres dirigeants d’entreprises et lors de plusieurs confĂ©rences, toujours en mentionnant mon nom. Lorsque je lui ai demandĂ©, il m’a Ă©galement fait une recommandation LinkedIn trĂšs favorable, ce qui aide Ă©normĂ©ment pour Ă©tablir sa crĂ©dibilitĂ© (plus sur ça dans le prochain chapitre).

Malheureusement, mĂȘme avec les chiffres Ă  l’appui, ce n’est parfois pas suffisant pour avoir une influence durable sur une entreprise. Peu aprĂšs mon dĂ©part, David est Ă©galement parti pour fonder sa propre entreprise. Depuis, on a dĂ» voir toutes les innovations qu’on avait mises sur pied ensemble se faire effacer une Ă  une. Je ne m’y attendais pas et ça aura Ă©tĂ© excessivement difficile de regarder quelque chose qui me rend fier s’effacer sans rien pouvoir faire.

Tout ça m’aura appris quelques leçons importantes, dont celle-ci: la culture d’une entreprise lui provient de la somme des croyances et attitudes de ses employĂ©s. Les changements ne sont pas restĂ©s parce que je n’ai rĂ©ussi Ă  influencer qu’un seul individu. Suite Ă  notre dĂ©part, plus personne ne croyait Ă  nos stratĂ©gies. Les chiffres, sans personne pour les transformer en arguments, ne sont que des taches noires sur un Ă©cran.

Une fois que tu as trouvĂ© un problĂšme que tu peux rĂ©gler et qui va avoir un impact mesurable sur l’augmentation des revenus ou la rĂ©duction des dĂ©penses, c’est primordial d’avoir le support de personnes clĂ©s. Sans David, mĂȘme avec les chiffres pour supporter mes stratĂ©gies, je me serais sans doute fait congĂ©dier. On ne peut agir seul contre une entreprise — mĂȘme si on a raison. On ne peut pas forcer quelqu’un Ă  changer, il faut que ce soit volontaire, il faut influencer les preneurs de dĂ©cisions.

Pour ĂȘtre capable de convaincre ces personnes, on commence par leur faire reconnaĂźtre le problĂšme, pour ensuite effectuer les deux derniĂšres Ă©tapes de la mĂ©thode SPIN...

Les Implications

DĂšs qu’on trouve un problĂšme intĂ©ressant, notre premier rĂ©flexe est de se pencher immĂ©diatement sur sa solution — c’est une grave erreur. DĂšs qu’on termine la discussion sur le problĂšme pour dĂ©buter celle sur la solution, on va se mettre Ă  rencontrer des obstacles et objections qui expliquent pourquoi on ne peut pas (ou ne devrait pas) faire quelque chose.

Offrir une solution Ă  cette Ă©tape tue ton projet dans son berceau. Tu te souviens de nos trois questions?

SI (Coût de la solution < (Coût du problÚme + Bénéfices de la solution)) ALORS le projet est potentiellement viable.

Le coĂ»t de la solution n’a pas encore Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© (on va voir comment s’assurer de le minimiser avec la mĂ©thode Lean), mais avant d’en parler, il faut s’assurer que le cĂŽtĂ© droit de l’équation soit aussi lourd que possible pour que la solution paraisse acceptable, voire mĂȘme dĂ©sirable. C’est lĂ  que les deux derniĂšres questions de la mĂ©thode SPIN entrent en jeu. Les questions d’implications visent Ă  faire prendre conscience Ă  l’autre du coĂ»t rĂ©el du problĂšme et les questions need-payoff visent Ă  rendre les bĂ©nĂ©fices de la solution plus tangibles.

Ces questions sont vitales parce que les problĂšmes importants se cachent souvent en pleine vue de l’entreprise. Les choses ont toujours Ă©tĂ© faites d’une certaine façon et ça n’a jamais posĂ© de problĂšme
 Jusqu’au jour oĂč l’entreprise est devenue trop grosse pour que ça reste viable. Mais puisque ”on a toujours fait ça comme ça”, personne ne prend le temps de trouver une meilleure façon de faire.

À cause de ça, les problĂšmes importants ne sont souvent mĂȘme pas considĂ©rĂ©s comme des problĂšmes. C’est juste quelque chose qu’on a toujours fait et qui ne semble pas causer de danger imminent.

Voici un exemple:

TrĂšs peu d’entreprises utilisent un systĂšme de boĂźte courriel collaborative. Si c’est le cas pour ton entreprise, c’est dĂ©finitivement un quick win facile Ă  implĂ©menter.

Disons que l’entreprise reçoit un bon volume de messages courriel. Pour y rĂ©pondre, elle a une boĂźte gĂ©nĂ©rale et chaque employĂ© possĂšde une boĂźte privĂ©e pour les communications internes. À premiĂšre vue, pas de problĂšme


Mais qu’arrive-t-il lorsque quelqu’un fait une erreur? Est-ce qu’on peut savoir qui a envoyĂ© le courriel en question? Et est-ce que ça arrive qu’on doive ĂȘtre plusieurs sur la mĂȘme boĂźte de courriel en mĂȘme temps? Comment est-ce que les cas sont distribuĂ©s? Comment savoir qui doit effectuer le suivi? Est-ce possible d’ajouter des notes Ă  un courriel pour que les autres employĂ©s le voient? Est-ce que ça arrive que deux employĂ©s rĂ©pondent Ă  la mĂȘme personne en mĂȘme temps?

C’est en posant ce genre de question que le gestionnaire va finir par se dire “Ouain, on a peut-ĂȘtre un petit problĂšme finalement”. Mais ce n’est pas parce qu’il verbalise le problĂšme qu’il rĂ©alise Ă  quel point gĂ©rer ses courriels de cette façon est stupide. On enchaĂźne donc avec des questions d’implications


Quels sont les dĂ©lais de rĂ©ponse? Est-ce que ça arrive qu’on perde un prospect parce que ça aura Ă©tĂ© trop long lui rĂ©pondre, ou pire, qu’on ne lui ait jamais rĂ©pondu? Est-ce que ça pourrait avoir un impact sur la crĂ©dibilitĂ© de l’entreprise? Est-ce qu’on a dĂ©jĂ  envoyĂ© un courriel avec de fausses informations Ă  cause d’un manque de communication? Et Ă  l’interne, est-ce que les employĂ©s aiment gĂ©rer les courriels? Est-ce qu’ils ont l’impression d’ĂȘtre submergĂ©s par le nombre de courriels qu’ils reçoivent? Quel impact est-ce que ça a sur leur humeur et leur productivitĂ©? Est-ce qu’ils se plaignent parfois? Quelles consĂ©quences est-ce que les imperfections de ce systĂšme entraĂźnent?

En d’autres mots, comment est-ce que le problĂšme affecte directement (ou indirectement) les KPI de l’entreprise? Plus on pose ce genre de question, plus la personne est forcĂ©e d’admettre que le problĂšme est important.

Ça ne veut pas nĂ©cessairement dire que la personne va ĂȘtre convaincue de la nĂ©cessitĂ© de changer. MĂȘme si la solution est simple et gratuite, elle comporte tout de mĂȘme un coĂ»t (l’élĂ©ment Ă  gauche de notre Ă©quation). Par exemple, la solution au problĂšme des courriels ne coĂ»te presque rien. Par contre, la gestion des emails Ă©tant une activitĂ© au coeur du roulement de l’entreprise, une transition implique que TOUS les employĂ©s vont devoir s’y adapter. On parle d’une pĂ©riode de transition importante dans laquelle plusieurs choses peuvent mal se passer.

Pour convaincre quelqu’un d’agir, il faut vraiment prendre le temps de bien dĂ©finir les implications. Non seulement ça, mais aussi quels seraient les avantages Ă  trouver une solution...

Need-Payoff

Alors que les questions d’implications se concentrent sur le nĂ©gatif, les questions need-payoff se concentrent sur le positif. On demande des choses comme:

  • Est-ce vraiment important pour vous de rĂ©gler ce problĂšme?
  • Pourquoi est-ce que cette solution vous paraĂźt utile?
  • Si je trouve une solution Ă  ce problĂšme, quels autres bĂ©nĂ©fices est-ce que ça pourrait apporter?

Ce type de question permet d’accomplir deux choses:

  1. Ça focus l’attention de la personne sur la solution au lieu du problĂšme. Ça met les gens dans un mindset positif de rĂ©solution de problĂšme.
  2. Ça fait en sorte que l’autre personne se dit elle-mĂȘme les bĂ©nĂ©fices d’une solution (ta solution).

Tu aimerais simplifier la prise de rendez-vous lors de consultations? Pourquoi est-ce que c’est important pour toi? Est-ce que tu aimerais un systĂšme qui s’occupe de faire les suivis automatiquement? Quels autres problĂšmes est-ce que ça rĂšglerait? Crois-tu que ça va rĂ©duire les annulations de derniĂšre minute? Quel impact crois-tu que ce systĂšme aurait chez ta clientĂšle? Combien d’argent penses-tu sauver avec un tel systĂšme?

Lorsqu’un prospect fait l’inventaire des bĂ©nĂ©fices lui-mĂȘme, alors ses objections (comme le prix ou un dĂ©faut dans le service ou produit offert) semblent plus acceptables.

Ce genre de question possĂšde Ă©galement un deuxiĂšme effet important: ça entraĂźne l’autre personne Ă  vendre la solution. C’est trĂšs rare qu’on s’adresse directement au preneur de dĂ©cision. Habituellement, on passe par un intermĂ©diaire qui doit faire approuver le projet ou la dĂ©pense par quelqu’un au-dessus de lui. MĂȘme le PDG doit rĂ©pondre Ă  un conseil d’administration!

Ça veut dire que la personne avec qui tu parles de ce projet va devoir se tourner de bord et parler de ta solution Ă  ses supĂ©rieurs. Si tu lui fais dire lui-mĂȘme les bĂ©nĂ©fices et avantages et qu’il “achĂšte” mentalement l’idĂ©e, il va vraiment s’impliquer personnellement dans la mise en oeuvre du projet.

Comment trouver et proposer une solution?

Puisque ça s’adresse Ă  des vendeurs, la mĂ©thode SPIN requiert que tu possĂšdes dĂ©jĂ  la solution au problĂšme. Je dois donc introduire une nouvelle Ă©tape: l’extraction d’idĂ©e.

Il s’agit d’un concept dĂ©veloppĂ© par Dane Maxwell, un entrepreneur qui se spĂ©cialise dans la crĂ©ation de startups en technologie. Son processus, issu du mariage de la mĂ©thode SPIN et de l’approche LEAN, le rend complĂštement original dans sa façon d’aider les entreprises et de rĂ©gler leurs problĂšmes.

Il a donnĂ© un exemple trĂšs concret du processus en publiant un appel de 45 minutes oĂč il discute avec la compagnie qui ouvre sa piscine. Dans cet appel, Dane extrait deux idĂ©es d’entreprises qu’il pourrait crĂ©er. L’entrepreneur lui dit trĂšs clairement qu’il serait prĂȘt Ă  payer 500 $ par mois pour une des deux solutions et lui assure que c’est Ă©galement quelque chose qui intĂ©resserait tous ses compĂ©titeurs.

Sa façon de faire est tout simplement brillante. AprĂšs avoir questionnĂ© l’entrepreneur sur la logistique de son entreprise (questions Situationnelles), il rĂ©ussit Ă  trouver deux frustrations majeures (en utilisant les questions de ProblĂšmes): la logistique de paiement et la prise de rendez-vous sont excessivement complexes et lourdes et certains clients se plaignent que le nombre d’heures facturĂ©es est trop Ă©levĂ©.

AprĂšs avoir trouvĂ© les deux problĂšmes, il demande Ă  l’entrepreneur lequel des deux semble le plus important Ă  ses yeux (le deuxiĂšme).

Il enchaĂźne donc avec des questions d’implication et need-payoff pour dĂ©velopper le besoin et les bienfaits:

  • Need-Payoff: Peux-tu me redire plus clairement pourquoi tu voudrais avoir cette solution en premier?
  • Need-Payoff: Si tu avais un systĂšme pour faire le suivi de temps de tes employĂ©s, combien est-ce que ça ajouterait Ă  tes revenus?
  • Implication: Est-ce que ce problĂšme t’affecte nĂ©gativement dans ton quotidien?
  • Implication: Qu’est-ce qui se passe lorsqu’un client t’appelle parce qu’il n’est pas satisfait? Qu’est-ce que tu fais?
  • Implication: Si tu fais 10 jobs, sur combien d’entre elles est-ce que ce scĂ©nario se produit?
  • Implication: Combien de jobs fais-tu par annĂ©e?
  • Si je comprends bien, ce scĂ©nario te fait perdre 80 jobs par annĂ©e, ce qui signifie 20 000 $ de revenus. Tu dois prendre ces appels, ce qui te gaspille ton temps et ton Ă©nergie
 Disons que tu reçois un appel comme ça et que tu possĂšdes une baguette magique qui rĂšglerait tous tes problĂšmes, qu’est-ce qui se passerait exactement?
  • Need-Payoff: Et qu’est-ce que cette solution t’apporterait personnellement?
  • Need-Payoff: Et comment te sentirais-tu?
  • À combien Ă©valuerais-tu le prix que tu serais prĂȘt Ă  payer, sachant que tu perds 20 000 $ par annĂ©e, sachant que tu perds ton temps, sachant que tu pourrais faire plus d’argent, sachant que tu perds ton Ă©nergie
 Combien serais-tu prĂȘt Ă  payer?

Les questions que je viens d’énumĂ©rer sont transcrites et traduites directement Ă  partir de l’appel tĂ©lĂ©phonique qu’il a eu avec l’entrepreneur. Si tu parles anglais, je te recommande FORTEMENT de prendre le temps de bien Ă©couter et de prendre des notes. Cette conversation est l’exemple parfait de la mĂ©thode SPIN que tu vas pouvoir mettre en place pour convaincre une entreprise de financer un projet, que ce soit sous l’angle d’intrapreneur ou d’entrepreneur.

Dans les questions ci-dessus, j’ai mis un segment en italique. Cette question n’est pas dans le modĂšle SPIN et concerne le “quoi”. Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce qui se passerait? Quel serait le scĂ©nario idĂ©al?

Lorsqu’on trouve un problĂšme, il faut Ă©galement trouver une solution. Mais la plupart du temps, les gens la connaissent dĂ©jĂ . Ils peuvent te dire le “quoi”. Ce qui leur manque, c’est le “comment”. C’est lĂ  que tu entres en jeu.

Si tu es capable de faire dire Ă  la personne exactement ce qu’elle veut et combien ça vaut pour elle, c’est certain que tu vas avoir son support pour le mettre en place une fois que tu vas avoir trouvĂ© le “comment”.

Ça se peut que la personne ne trouve pas elle-mĂȘme la solution. Dans ce cas, essaie de la guider en lui posant des questions qui mĂšnent vers ta solution (si tu en as une). Autant que possible, il faut que ça vienne d’elle. Tourne ta langue sept fois avant de lui proposer ouvertement une idĂ©e. Sois patient, laisse lui prendre le contrĂŽle de la conversation.

Trouver et proposer un MVP

Lorsqu’on est en mode rĂ©solution de problĂšme, ce n’est pas rare de rĂȘver en couleurs et de croire qu’on va changer le monde et devenir millionnaire. C’est l’effet de la dopamine qui fait son chemin Ă  travers tes synapses.

Tu connais un entrepreneur qui lance 1 000 projets sans jamais prendre la peine d’en terminer un? Maintenant tu comprends pourquoi.

L’antidote se trouve dans un concept de la mĂ©thode Lean: le MVP.

MVP rĂ©fĂšre Ă  Minimum Viable Product (produit minimum viable en français). Il s’agit de se poser la question: quelle serait la solution la plus simple, abordable, facile et rapide Ă  mettre en place pour rĂ©gler ce problĂšme (ou tester une hypothĂšse d’affaires).

Dans le cas de notre exemple avec les courriels, la solution est dĂ©jĂ  simple. Un compte sur ZenDesk Inbox qui est gratuit (qu’on utilise et aime beaucoup) ou un compte sur Intercom.io qui est payant, mais incroyablement complet.

Cependant, c’est possible que la solution soit excessivement complexe, comme changer de systùme de gestion pour son site web, son systùme de caisse ou encore son CRM de vente.
Dans l’exemple avec Dane, il fallait crĂ©er une application mobile.

Mais mĂȘme lorsque c’est complexe, il y a souvent moyen de faire simple
 Voici un exemple de mon temps chez Voyages Ă  Rabais.

Ça arrivait Ă  l’occasion d’avoir des temps morts Ă  certaines heures de la journĂ©e. Une vingtaine de conseillers qui se tournent les pouces, ça coĂ»te cher!

Pour rĂ©gler la solution, David a proposĂ© qu’on demande aux gens sur le site web de nous dire briĂšvement le genre de voyage qu’ils veulent pour qu’un agent effectue la recherche pour eux et les recontacte par tĂ©lĂ©phone avec la meilleure offre.

La solution traditionnelle Ă©tait longue et coĂ»teuse. Ça impliquait de crĂ©er le formulaire sur le site web, mais Ă©galement un systĂšme pour rĂ©partir les prospects entre les conseillers ainsi qu’une façon rapide de mettre la fonctionnalitĂ© Ă  on ou off.

Traditionnellement, on aurait dĂ» 1) demander au designer de faire le visuel Ă  intĂ©grer sur le site web, 2) faire approuver les maquettes pour ensuite 3) demander Ă  l’intĂ©grateur de transformer la maquette en code HTML et CSS pour finalement 4) passer la puck au programmeur pour qu’il intĂšgre la solution au systĂšme et 5) attendre le prochain dĂ©ploiement du code.

Ce processus peut facilement prendre plusieurs mois, ou pire, ne jamais ĂȘtre complĂ©tĂ©.
Le coût associé à cette solution est considérable.

Pour contourner le problĂšme, on a dĂ©cidĂ© d’utiliser Optimizely et Google Sheets. Le premier est un logiciel de test A/B pour site web. Ça permet de modifier un Ă©lĂ©ment sur une page, de montrer la variation Ă  un pourcentage fixe des visiteurs et de regarder l’impact sur les ventes.

C’est super pratique, parce que ça nous a permis de montrer le formulaire Ă  seulement 10 % des visiteurs, Ă©vitant ainsi d’en avoir trop en mĂȘme temps. C’est aussi trĂšs simple de mettre un test en marche ou de l’arrĂȘter, ce qui nous permettait de s’en servir uniquement lorsqu’on en avait besoin.

J’ai crĂ©Ă© un formulaire Ă  l’aide d’un logiciel en ligne que j’ai ensuite liĂ© Ă  un chiffrier Google Ă  l’aide d’un petit script que j’ai trouvĂ© sur Internet. Les rĂ©ponses s'enregistraient donc dans un genre de feuille Excel Ă  laquelle tous les conseillers pouvaient accĂ©der en mĂȘme temps. Lorsqu’un conseiller avait du temps libre, il soulignait la rangĂ©e contenant la recherche qu’il allait effectuer et ajoutait son nom Ă  la fin.

L’idĂ©e a Ă©tĂ© lancĂ©e lundi midi et mardi matin la solution Ă©tait opĂ©rationnelle.

Ça, c’est l’esprit derriĂšre la mĂ©thode Lean: comment tester et implĂ©menter des idĂ©es et solutions le plus rapidement possible au coĂ»t le plus faible possible.

Si (et seulement si) on se rend compte que ça vaut vraiment la peine d’investir pour une solution plus permanente et mieux faite, au moins on prend cette dĂ©cision en se basant sur quelque chose de concret et non sur le guts d’un gestionnaire.

Les exemples que j’ai donnĂ©s concernent la technologie parce que je travaille dans ce domaine, mais les principes derriĂšre la mĂ©thode Lean s’appliquent Ă  toutes les industries.

RĂ©capitulation

Pour créer de la valeur, il faut faire bouger les choses. Et pour faire bouger les choses, on doit pouvoir persuader les gens que le changement est nécessaire.

On ne convainc pas quelqu’un en parlant, mais en l’écoutant. La persuasion est Ă  propos de l’autre. La meilleure façon de dĂ©velopper son leadership est d’apprendre Ă  poser de meilleures questions.

En devenant une personne plus persuasive, ça va te donner le pouvoir de mettre sur pied des projets qui vont apporter des solutions et rĂ©sultats quantifiables en ayant comme objectif d’augmenter les revenus ou de rĂ©duire les dĂ©penses.

En crĂ©ant ce genre de projet, ça va te permettre de te crĂ©er un “portfolio” virtuel dans le but d’établir ta crĂ©dibilitĂ©, d’augmenter ton influence et de nĂ©gocier une meilleure compensation.

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